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Jean-Marc Foltz w/ Matt Turner & Bill Carrothers - To the Moon

Olivier Acosta, Mozaïc Jazz

Je pense que Jean-Marc Foltz n’est pas préoccupé par l’appellation que l’on donne à sa musique. Les différents projets qui jalonnent sa carrière le prouvent, de ses collaborations avec Stephan Oliva, Bruno Chevillon, Claude Tchamitchian, Edward Perraud, Sébastien Boisseau et Christophe Marguet en passant par le Trio de Clarinettes ou l’Ensemble Intercontemporain. Alors, Jazz ou Musique Contemporaine ? Triste débat. « To The Moon » peut être rangé dans chacun de ces rayons. Ou dans aucun d’entre eux. On s’en fout. Ce disque est magnifique et la beauté supporte mal les querelles de clocher.

Donc ce disque est un disque de musique improvisée enregistré à Minneapolis par un trio inédit à ma connaissance. Gageons que cette rencontre soit le début d’une aventure car l’écoute attentive de ces dix pièces révèle un potentiel de créativité dont on a peine à imaginer les limites. Improviser, c’est laisser l’imprévu se dessiner. Et pour cela, les capacités techniques liées à la pratique de l’instrument, bien qu’indispensables, ne suffisent pas. Jean-Marc Foltz, Matt Turner et Bill Carrothers ont réussit avec cet enregistrement à inventer une musique pleine de sens, dont l’esthétique un peu sombre met en valeur les traits de lumière dont elle est parsemée. Leur travail sur les timbres, les couleurs, les matières est saisissant.

Alors comme ça ces trois là ont décidé de nous emmener sur la Lune. Cet astre à la forme simple, d’une apparence austère et dont la surface, criblée de cratères, est redessinée par les jeux d’ombre. Cette grosse boule suspendue qui danse avec le temps, se cache, s’exhibe, à demi-nue, soleil de la nuit qui fait bouger les mers. Comme elle, la musique du trio possède un incroyable pouvoir d’attraction. Comme elle, la forme de leur musique est simple mais ses reliefs sans cesse redéfinis. Comme elle, la matière travaillée par les trois musiciens peut tour à tour se montrer lisse ou rugueuse, plane ou pleine d’aspérités. Comme elle, cette musique ne se dévoile pas de la même manière chaque jour.

L’imaginaire collectif est favorisé par la rencontre de trois fortes personnalités musicales dont les rôles ne sont pas définis. Chacun des musiciens apporte ses fragments de mélodie, participe à la création d’une toile de fond mouvante et subtile, mêle sa sonorité à celle des autres pour l’enrichir (jolie travail sur les timbres), trouve dans les interstices du jeu des autres la place nécessaire pour y lover son discours et ainsi apporter un nouvel éclairage à l’ensemble.

Je vous laisse le soin de découvrir en détail toutes les subtilités de leur musique, leurs descriptions ne sont pas essentielles et je doute de ma capacité à les formuler. En revanche je tiens à insister sur la qualité de cet opus : Les musiciens y excellent, leur univers est poétique et passionnant, la prise de son est parfaite et valorise leur travail, l’emballage est sobre et réussit.

Les disques de musique improvisée sont injustement considérés comme des objets d’art destinés aux érudits. « To The Moon » nous rappelle que l’engagement d’une formation et sa capacité à créer du neuf ne sont pas antinomiques d’un plaisir d’écoute de tous les instants.

Rendez-vous sur le site de Ayler Records pour vous procurer ce très bel album. Vous pourrez également en écouter des extraits si mon enthousiasme ne suffit pas à vous en convaincre.