Aussi étonnant que cela puisse paraître, tant ces artistes japonais sont centraux dans la musique improvisée mondiale, c’est la première fois qu’il se rencontrent sur disque. Voici donc un double coup de maître : réunir sur disque deux musiciens qui ont fait du mouvement et des éléments leur crédo, et leur offrir la plus totale des libertés. Enregistré au début de l’année à Shinjuku, l’un des quartiers centraux de Tokyo, cette discussion prend différentes formes, mais suit le canevas assez similaire de la montée en puissance, pas éloigné d’ailleurs des démonstrations épiques et de la théâtralité. Ainsi dans « Perpetual Motion II », tout commence avec une certaine retenue, presque une forme de placidité dans le jeu de la guitare, à l’exception de quelques éclats cristallins qui accueillent un piano concertant ; c’est paradoxalement par le silence que vient l’orage, comme si Otomo Yoshihide rassemblait ses forces pour soudain faire parler la rocaille. Avant de laisser place à un piano qui, à défaut de saturer le son, sature l’espace.
Entre la faim dévorante de musique de Satoko Fujii (avec plus de cent disques à son actif) et l’aura d’ange noir de la radicalité d’Otomo Yoshihide, le courant passe tout de suite et ne subit aucune baisse de tension. La grande réussite de Perpetual Motion est de parvenir à le canaliser sans rien perdre de sa puissance et de le restituer brut, sans perte de relief et de détails d’une richesse incroyable. Voici un disque qui tutoie les sommets de la longue histoire du label Ayler Records. Un indispensable pour quiconque aime les musiques farouches.