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Daunik Lazro - Some Other Zongs

Franpi Barriaux, Sun Ship

Daunik Lazro est certainement l'un des saxophonistes les plus intransigeant et respectés pour son engagement dans la musique improvisée comme dans des causes radicales, à travers une carrière remarquable émaillée de collaborations prestigieuses, de Joe McPhee à Doneda en passant par Tchamitchian.
On notera également le magnifique "Songs from the Spanish Civil War", sorti chez Léo Records avec le quartet de Ramon Lopez... Lazro est un musicien qui emporte au premier souffle l'auditeur dans un monde profond et infini porté par les notes ténébreuses de son célèbre saxophone baryton, devenu son indéfectible compagnon.
C'est avec cet instrument qu'il visite les rhizomes profonds du jazz des origines en cherchant dans les tréfonds du métal la force primitive des éléments. Les solos de Lazro sont rares, mais cet exercice difficile correspond au lyrisme brut de sa musique. Au l'aube de ce siècle, Lazro avait enregistré sur le label marseillais Emouvance un remarquable "Zong Book" en solo où l'on trouvait cette recette faite de grandes dynamiques entre les basses voluptueuses du baryton et ses aigus déchirés à la limite de la rupture.
Plus de dix ans plus tard, c'est sur le label de l'ami Stéphane Berland, Ayler Records, que Lazro enregistre "Some Other Zongs", qui visite encore un peu plus une musique charnelle et terrestre qui semble balottée comme le vent dans les chènes centenaires. L'enregistrement très cru de ces morceaux, avec les micros très proches du musicien contribue beaucoup à ce sentiment de pureté par le souffle et le choc des tampons et des clés comme des rythmiques intimes...
J'ai eu la chance de voir en mai un solo de Daunik Lazro dans le cadre du Festival Jazz à Part dans le cadre magique de la cour carrée de l'Aître Saint Maclou à Rouen où le saxophoniste avait livré une version époustouflante de Alabama de Coltrane. Ici, peu de reprise, si ce n'est cette évocation d'un blues de la Nouvelle Orléans, "Vieux Carré" qu'interpréta et écrivit Joe McPhee. Il sonne comme un unisson des origines et des expériences, comme un continuum rétif à toute pasteurisation et qui cherche la carnation des sentiments et la transmission d'une musique intérieure pleine de heurts et d'acalmie.
"Some Other Zongs" est enregistré dans le coeur sensible d'une collégiale parsemée d'arbres et dans l'église Saint-Merry à Paris ; ces lieux d'apaisement et de contemplation semble parfait pour cette musique profonde qui appelle au recueillement, qui transporte dans les replis du chaotique du Monde. Il ne s'agit pas d'un recuillement pieu et ses colifichets inutiles faits de dénis de réalité. Il s'agit juste d'une interrogation métaphysique d'un rapport à la nature.
Un disque solo magnifique et plein de la quiétude du silence qui prépare les tempêtes.