All sorts of jazz, free jazz and improv. Never for money, always for love.
Ce disque, sorti sur le label Ayler Records dont on est content de retrouver les choix musicaux, est l'un de ce dont l'on peine à sortir. Ce n'est pas seulement sa densité, sa beauté et l'équilibre formidable que trouvent ensemble les solistes parmi lesquels on retrouve Daunik Lazro, même s'il est nullement question de figure centrale dans cet échange sans hiérarchie. C'est le sentiment d'un havre, d'une respiration dans un lieu préservé du tumulte.
Un poumon.
Les trois musiciens de réunis nous invitent sans davantage de formules à une retraite tranquille dans un jardin bien connu d'eux et qui dès la reprise de « Sophiscated Lady » donne le ton : un balancement continuel entre harmonie des couleurs et liberté des formes, un lyrisme empreint de modestie qui offre au baryton un chemin sinueux mais bien dessiné par les percussions attentives de Didier Lasserre, économe d'effet et de geste mais nullement de présence ; les cymbales tonnent dans ce morceaux court d'Ellington. Ou plutôt elles feulent et ronronnent à chaque pas de côté du saxophoniste, guidant sa route sans y mettre aucune contrainte.
Ce n'est bien sûr pas la première fois que les deux musiciens jouent ensemble, et l'on retrouve l'approche charnelle et palpitante qui était celle de Pourtant la Cime des arbres... Même soin à convier la matière dans un échange a priori impalpable. Pourtant, ce n'est pas Benjamin Duboc qui clôt le trio. Les boiseries craquantes absentes, le vent double de vigueur, et c'est la trompette de Jean-Luc Cappozzo que l'on retrouve dès « Joy Spirit », dont il est l'auteur. Un titre qui sonne Ayler comme la plupart des horloges mais dont la fougue est adoucie par l'apaisement alentour.
Nous sommes dans le jardin des improvisateurs. Dans les jardins intimes de trois musiciens forcément complices et cela s'en ressent à chaque instant. Chaque parcelle est partagée, même si la pochette nous apprend que c'est dans les jardins de Cappozzo, dans le Centre-Loire que la rencontre s'est faite, au cœur du mois de juin. Un jardin secret, voisin de celui qu'il nous avait visité il y a peu en compagnie de sa fille.
Le petit Liré. Ulysse y revient donc toujours...
Pour Lazro, c'est Coltrane qui vient toujours en ces moments. « Lonnie's Lament », au centre de l'album est la bande son idéale, à la fois apaisée et aux aguets, articulée d'une manière traînante, presque chantonnée pour lui-même avec cette légère amertume qui renforce tous les sens et laisse quelques anfractuosités dans les allées du sons pour que Lasserre y glisse quelques reliefs aux aspérités polies par la sédimentation. Un Lasserre pétulant dans « Hop Head » d'Ellington encore, qui clôt l'album comme une boucle sans cesse recommencée.
Un cycle du vivant.
Le jardin de Jean-Luc Cappozzo, on l'imagine luxuriant et regorgeant de plaisir des sens. On le pense variable au gré des saisons, avec une préférence néanmoins pour les période torrides, juste après l'orage, quand le sol expire de tous ses tanins et de son petrichor. Ce n'est pas surprenant dès lors qu'il trouve toute sa vigueur dans les trois improvisation « Garden », notamment « Garden 2 », magnifiques instants impavides où le sifflement des cymbales semble rythmer l'infiniment petit.
Silence, ça pousse !
Topographiquement, ces compositions instantanées sont des trouées, des puits de lumière (« Garden 1 »). Mais d'un point de vue agronomique, c'est l'engrais. La juste chimie qui permet à toutes les idées de pousser sur n'importe quel terrain. Garden(s), c'est le lopin où se ressourcent trois amis qui nous offrent un des beaux moments de l'année. Un jardin à la française, qui en musique à tendance à se nourrir de la catastrophe féconde et de l'imprévision, loin des cordons clinquants des jardins trop bien fréquentés.
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