All sorts of jazz, free jazz and improv. Never for money, always for love.
Pas un jardin au cordeau mais des efflorescences multiples pour ces Garden(s).
Un album qui démarre par un Ellington de 1932, "Sophisticated Lady", puis, plus loin, un Coltrane, "Lonnie's Lament" (1963 ?), puis encore un Ayler de 65, "Angels", pour se clore par "Hop Head" d'Ellingtong (1927 ?) repris comme en fanfare, comme un éclat de rire réjouissant, après une introduction tonitruante à la seule batterie. Ces reprises peut-être pour signifier qu'il faut du temps pour faire un jardin, que certaines pousses ont des racines anciennes, tout comme pour les talents musicaux d'aujourd'hui. Occasions pour les artistes du trio de dire leur indéfectible amour à cette aventure musicale hors du commun, malgré tant d'années, tant d'écoutes, tant d'aventures transgressives. Et le dire avec infiniment de tendresse, en allant à l'essentiel, mais avec les hardiesses, les furies, les sinuosités et les rugosités d'aujourd'hui. À l'image d'Angels, une superbe réussite. Ayler aurait adoré ces trois là.
Mais il ne s'agit bien sûr pas du seul propos de l'album.
On se souvient de "Spirits Rejoice" ou l'affirmation péremptoire d'une voix radicalement neuve, celle d'Albert Ayler. "Joy Spirit", de Jean-Luc Cappozzo, est aussi un thème-oriflamme. Brandi comme une revendication identitaire. La trompette (le flughelhorn ?) est impérieuse, conquérante. Elle déclame; elle clame l'amour du son, l'amour du chant sans autre prétention mélodique que la magie de la répétition de deux notes portées haut. La batterie ne délivre aucune scansion mais elle déverse des chapelets irréguliers d'éboulis de roches. Une encre chinoise fascinante esquissant un relief tourmenté à peine discernable. Le saxophone se tait, longuement. Puis vient doucement, tout en sonorités très travaillées, complexes. Des nappes éraillées mêlées de souffles. Une sorte d'anti-chant à mi-intensité, qui souligne l'envol de la trompette. Trois voix qui suivent des sentiers distincts pour une forme de réalité augmentée saisissante. Et quand le chant s'estompe, le saxophone quitte ses brumes pour des bribes mélodiques pudiques et bouleversantes.
Et les trois "Gardens" qui offrent des paysages instables, mouvants où l'énergie motrice de chacun est l'écoute des deux autres. Une figure de percussion devient esquisse mélodique ou trame sonore. Un vibrato devient figure rythmique. Deux-trois notes qui font chant ouvrent des paysages sonores hors des sentiers habituels de la lutherie. Certes, on croit déceler une tendresse encore présente de Jean-Luc Cappozzo pour des haïkus mélodiques, ainsi qu'une joie évidente à faire resplendir le métal de son instrument. Mais la proximité de Daunik Lazro ouvre tant de possibles tissus sonores, de grains, de discours enchevêtrés. Il faut dire que dans cet album, le saxophoniste choisit souvent la demi-teinte, privilégiant son art consommé des sons multiples devenant chants ou souffles, sa maîtrise des glissements harmoniques de ses instruments, des couleurs sonores. Et, à l'improviste, une esquisse de chant qui nous pince le cœur.
À noter aussi la très grande présence de Didier Lasserre. Il passe de simples frappes répétées sur le sommet de sa cymbale à des roulements puissants et abruptes. Il n'est pas dans un discours ample, mais dans l'alternance entre les caresses discrètes et la puissance sèche et contrôlée au millimètre. Le sentiment d'être face à un langage radicalement neuf de la batterie. On pourrait écouter tout l'album en n'écoutant que lui, mais pourquoi se priver de ses incidences sur les deux autres, de ces passages de témoins continus de ces trois là.
On nous dit que les plus beaux fruits, les plus belles fleurs s'épanouissent dans la proximité d'autres plantes. C'est ici la preuve par trois. Impressionnant.
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