All sorts of jazz, free jazz and improv. Never for money, always for love.
Le label Ayler Records reprend du service, après une pause à laquelle la parution simultanée de deux disques met fort heureusement un terme. Le miroir des ondes de Michel Blanc, un disque singulier dont je n’ai pas pris soin de parler car je considère encore aujourd’hui ne pas l’avoir tout à fait saisi (ce qui ne doit, au contraire, vous en détourner) remontant à 2016.
Retour aux affaires avec un disque, puisqu’il faut commencer par l’un des deux, qui est autant le fruit d’affinités musicales durables que celui d’un acte de production qu’il convient de souligner. Daunik Lazro, Jean-Luc Cappozzo et Didier Lasserre sont de remarquables musiciens qui se connaissent bien, tant et tant qu’on imagine avant même l’écoute du disque une musique sensible et aventureuse. Mais ces trois là ont pu, cette fois, partager un moment intime à l’initiative de Stéphane Berland, qui a proposé qu’ils se réunissent dans une maison durant trois jours en leur laissant une liberté totale quant à leur manière de procéder ou à ce qu’il émergerait de ce laboratoire intime. Offrir une telle opportunité – rendue possible par le concours de bonnes fées - à des improvisateurs est une évidence autant qu’un acte rare.
De cette session ayant eu lieu dans la maison reproduite par le beau dessin de Bénédicte Gallois qui orne la pochette, session que l’on imagine sereine, amicale et propice à l’atteinte d’une certaine forme de climax émotionnel, ressort une musique sensible jouée en improvisation totale ou articulée autour de compositions de Jean-Luc Cappozzo, Albert Ayler, John Coltrane et, par deux fois, Duke Ellington.
Dans ces jardins, qui portent un pluriel suggéré puisqu’ils peuvent être végétaux comme intimes, les improvisateurs trouvent la sève d’une musique très ouverte où leurs différences deviennent compléments. Dans un élan partagé, Daunik Lazro fige le propos, s’arrête sur une note, une couleur, pour en gratter la surface et ainsi révéler les plus infimes rugosités, tandis que Jean-Luc Cappozzo cherche davantage la projection, voire l’éjection, en offrant aux lignes induites par le thème des développements mélodiques inattendus. La pulsation insaisissable de Didier Lasserre, suite d’inhalations et d’exhalations tenant davantage lieu d’exhausteur d’ivresses que de rythme à proprement parlé, les amène à moduler leurs énergies, si bien que les duos ou trios semblent synchroniser leurs respirations.
Instable et chahutée, l’improvisation ne bascule cependant que très épisodiquement dans l’abstraction, du moins quand elle explore les thèmes. Les pièces intitulées "Garden" , bien que moins figuratives, illustrent le naturel et l’évidence avec lesquels la conversation s’installe et mute, sous les afflux des uns et des autres, en des formes complexes mais lisibles, ou reste blottie, comme dans la miniature "Garden 2", dans une atmosphère séraphique. Il faut aussi entendre avec quelle délicatesse les thèmes sont interprétés puis creusés. Les exposés, au plus près de l’écriture originelle rappellent s’il en était besoin combien les mélodies les plus touchantes s’accommodent d’âpres développements pour peu qu’ils soient l’expression d’une grande considération.
Ce que l’on entend ici est le fruit d’un fort attachement aux racines et d’un irrépressible besoin de lumière. Plus qu’un chant lexical commun, une identique vitalité.
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