Henry Grimes Trio - Live at the Kerava Jazz Festival

Alex Dutilh, Jazzman

Ainsi donc, non seulement on l'a retrouvé, mais il joue! On se souvient que c'est un agent des services sociaux de Los Angeles qui retrouva Henry Grimes en 2002, le contrebassiste que l'on s'arrachait dans la première moitié des sixties (Monk, Rollins, Miles, Ayler, Shepp…) et que l'on croyait disparu à jamais. Son confrère (et disciple spirituel) William Parker se démena pour qu'on lui remette une contrebasse entre les mains et qu'il reprenne le chemin de New York et de la musique. Deux ans plus tard, en juin 2004, le voici invité au festival finlandais de Kerava en trio : David Murray (ténor et clarinette basse) et Hamid Drake (batterie) sont des compagnons de virée sans retenue.
Longues plages, longs solos, réactivité au feeling, David Murray et Hamid Drake sont rodés à l'exercice. La divine surprise est d'entendre (à tous les sens du terme) la résurrection d'un bassiste au son puissant et félin, prenant des solos comme on se coltine un adversaire-partenaire en lutte gréco-romaine, et qui débarque d'une machine à accélérer le temps comme s'il avait toujours trente ans, l'âge auquel il prit la tangente. Il ne s'interdit rien : ni le tempo de la walking bass, ni l'harmonie juste, ni l'envol hors des structures. C'est la qualité du son, la puissance intacte ( ?) des doigts qui tirent la corde, qui rassemblent le tout et font la signature d'Henry Grimes. Cet homme surgi de l'oubli déborde d'une générosité qui n'a rien de candide : juste la conviction de n'avoir pas une minute à perdre.