All sorts of jazz, free jazz and improv. Never for money, always for love.
Une heure de musique sous haute tension. Tension des jeux, collectifs ou individuels (rythmique survoltée, saxophone grondant, guitare foudroyante), tension des compositions, qu’elles soient développées avec énergie ou retenue. Idéalement agencé, ce qui n’étonnera pas les habitués du label Ayler Records, le programme est parsemé de respirations qui allègent un contenu musical très puissant, ancré dans le sol. Le groove positif et dansant de « Two Girls » vient naturellement détendre l’atmosphère après deux titres incisifs. Si, de prime abord, ce morceau paraît prendre la musique à contre-courant, sa place à cet endroit de l’album s’avère, au fil des écoutes, tout à fait pertinente : il laisse l’auditeur se remettre des décharges déjà subies et se préparer à de nouveaux électrochocs… après une parenthèse pleine de suspense (le bel et sombre « Effigy »).
Luis Lopes lui-même prend soin de ne pas saturer l’ensemble en diversifiant ses approches, entre phrasé mélodique en son clair (« Two Girls », « Procurei-Te Na Noite ») et stridences distordues (« Dehumanization Blues », « Infidelities »). Il peut de ce fait jouer sur la consistance de la musique, sur sa violence aussi. Avec « Procurei-Te Na Noite », il construit avec un calme olympien un chorus raffiné sur la rythmique bouillonnante d’Aaron et Stefan Gonzalez, sans que l’énergie déployée par ceux-ci ne le fasse dévier de sa ligne (joli contraste). Ses échanges nombreux avec le remarquable Rodrigo Amado montrent la volonté de chacun de s’inscrire dans une démarche de construction collective. Ce qui n’empêche pas ce dernier de nous faire goûter à son jeu de saxophone féroce au cours de soli ébouriffants. Leur duo est propulsé par une rythmique tout terrain à l’énergie communicative. Ternaire ou binaire, sa pulsation fait tourner la tête. Aaron Gonzalez s’autorise de nombreuses sorties de route, en pizzicato ou à l’archet, mais répond toujours présent lorsque son rôle de soutien l’exige. Ses lignes de basses sont rythmiquement impeccables et la fantaisie dont il sait faire preuve participe à la diversité des climats. Derrière ses fûts, son frère, Stefan, se donne sans compter. Il assène de lourdes frappes et déploie un drumming impeccable et foisonnant, dont la densité surprend parfois, mais toujours avec bonheur.
Intelligent, accessible et typé, Electricity s’impose comme un disque de jazz qui ne peut laisser indifférent. Au-delà des débordements d’énergie, des stridences et des initiatives simultanées de ces musiciens talentueux (qui pourraient à eux seuls justifier l’enthousiasme), il y a là un projet réfléchi et maîtrisé, fait de compositions qui retiennent l’attention et d’improvisations sensées. Ajoutez à cela une production exemplaire, et vous obtenez, naturellement, un disque plus que recommandable.
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