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Luís Lopes' Humanization 4tet - Electricity

Yves Champigny, Jazz Up! Sud-Ouest

Humanization 4tet, la conjonction Lisbonne-Dallas
Le Humanization 4tet réuni par le guitariste lisboète Luis Lopes publie son second CD, sur le label Ayler Records. Quelle était la teneur de leur premier enregistrement - paru sur Clean Feed - aucun écho (mais de lourds soupçons tout de même). "Electricity" figurera donc ici comme le CD de la révélation qu'il existe un axe Lisbone-Dallas (Texas) apte à produire une musique intense, tonitruante, sèche, radicale, un blues free ne concédant rien aux beautés de ses cousins free-style de Chicago ou de New York dont la proximité dans la longueur d'onde jaillit immédiatement aux oreilles.

Dans l'exaltant "Dehumanization Blues" introductif, passé l'exposé d'un double thème évoquant le joug puis un air de liberté, les frères Gonzales, agiles et soudés, impriment fortement la marque de leur déluge rythmique, déversant sans relâche des tombereaux d'énergie sur laquelle le ténor rugueux, gigantesque, de Rodrigo Amado s'en vient éructer et se contorsionner. Luis Lopes, leader attentif, place sa guitare à la marge de ce vigoureux trio à l'approche résolument punk (lancé dans une sorte de "tout tout de suite"), il étire de longs traits de bruit blanc ou projette des éclairs électriques dans lesquels une fabuleuse énergie s'exprime également mais cette fois en dehors de toute notion de vitesse, bien au contraire dans une tension flirtant avec son point de rupture.

L'union de la glace et du feu
Au fil des morceaux, dans des chorus parallèles et quelques thème pris à l'unisson, la guitare et le ténor enlacent leurs timbres si dissemblables : le sax chaud bouillant, bondit en tout sens, sans cesse en mouvement du rauque à l'aigu, il s'appuie sur ses qualités de puissance en un saisissant contraste avec une guitare serpentine qui évolue hors des contingences du temps en des phrases atones et qui joue sur l'opalescence de ses notes éparses, brèves ou longues.

Et toujours, derrière, nos deux Texans furieux alimentent la chaudière de leur tempo multidirectionnel. On ne sera pas surpris de découvrir qu'ils aiguisent leur technique et leur langage au sein de groupes free punk, à commencer par le duo hardcore qu'ils forment sous le nom de Akkolyte (voir le très instructif MySpace d'Aaron Gonzales et sa floppée de vidéos - âmes sensibles, gare à vous, etc. mais on y trouve aussi quelques douceurs, comme un sensible trio avec le pianiste chicagoan Curtis Clark.)

Dus à la plume d'un peu tout le monde, les thèmes de Humanization 4tet appariassent résolument simples, carrés, plutôt semblables à des riffs de rock. Mais toujours un fois le tempo et la couleur donnés, l'improvisation collective très vite prend le dessus. "Two Girls", signé par Rodrigo Amado, s'en va sautillant sur un groove typiquement funk new orleans alors que le sublime "Procurei-te Na Noite" (en gros, "je t'ai cherché toute la nuit") de Luis Lopes pourrait passer pour un standard hardbop et sa ballade "Effigy" être composée par Wayne Shorter.

Artistes à suivre
La robustesse et l'ampleur du son de Rodrigo Amado classe le saxophoniste du Lisbon Improvisation Players dans la catégorie des Ken Vandemark ou Ellery Eskelin. Du reste, sa cote grimpe en flèche outre-Atlantique. Luis Lopes, guitariste autodiacte, vient du blues. Sa manière toute personnelle de dépasser sa fascination pour Jimi Hendrix en fait un incontestable artiste à suivre.

Un mot sur la nouvelle direction artistique de l'éditeur, Ayler Records, qui accompagne l'élargissement de son spectre vers de jeunes formations méconnues d'une rafraîchissante refonte de l'habillage de ses CD. Adieu le sempiternel bando vanille tout mou au-dessus d'une oeuvre abstraite plus ou moins inspirée. Le digipack d'"Electricity" conçu à partir des photos d'Antonio Julio Duarte est en ce sens une belle réussite qui colle parfaitement à la musique proposée.