All sorts of jazz, free jazz and improv. Never for money, always for love.
Ils sont de plus en plus graves, au Tricollectif !
Prenez le trio de Théo Ceccaldi, qui se met à hurler à voix basse, tout content d’être 4 !
On a à peine eu le temps de descendre de leur manège qui nous avait donné le tournis il y a deux ans, qu’ils nous embarquent pour une tournée des bars durant laquelle, entre autres évocations des petites choses de la vie, il sera question d’oiseaux qui se jouent de l’orage, d’une collection de brosses, d’un facétieux félin ou encore de pâtisserie.
Cette fois, Joëlle Léandre, la marraine du trio, est de la partie et cela bouscule pas mal de choses. Elle nous enjoignait dans ses notes de pochette de Carrousel, à aller écouter ces trublions géniaux. Elle n’aura pas pu refuser leur invitation, sûr. Et marraine la fée tapote de son archet magique la musique du trio, l’irrigue de ses fréquences basses hautes en couleurs, de ses chants lyrico-théâtraux d’un autre monde, où il fait beau.
Devenu quadripode, l’étrange animal adopte une nouvelle démarche, se meut avec plus de stabilité, dans un sens, mais multiplie également les pas de côté. Il marche plus vite, et emprunte tout aussi vite des directions incertaines, tout confiant qu’il est dans un équilibre difficile à prendre en défaut. Il y a des fois, comme ça, où la fortune montre un riant visage à qui sait la provoquer. Non contents, donc, d’être dépositaires d’une esthétique pour le moins singulière, Théo et son trio s’amusent à tout remettre en branle sans rien remettre en cause. Tout ce que l’on entend dans ce disque complexe et formidable a le bon goût de la nouveauté. En terme de son, d’une part, puisque, outre l’adjonction de la contrebasse et de la voix de Joëlle Léandre, le groupe élargit son spectre expressif avec l’arrivée du violon alto et de la guitare acoustique. Mais surtout, c’est toute la manière dont a été pensée la répartition de l’espace qui se trouve modifiée, et qui permet aux musiciens de donner une continuité à leur propos sans avoir à revenir sur leurs pas. Il faut dire qu’il est plus compliqué, à 4, de tresser le jeu, élément qui caractérisait en partie la musique du premier disque. De fait, l’exposé musical, l’enchevêtrement de thèmes, de solos et d’éléments d’ornement ou de parasitage se fait plus sous forme de cellules, qui s’imbriquent, se superposent ou se succèdent. Le jeu collectif est, et c’est peu dire, foisonnant, parfois jusqu’à l’ivresse.
Avec humour et gravité, sensibilité et brutalité, le quartrio libère son jeu, s’autorise à mettre les deux pieds dans le plat, en sautant à pieds joints comme des gamins dans les flaques. La musique nous éclabousse, forte, poignante, amusante, rafraîchissante. Déstabilisante.
Je remarque une fois de plus un élément qui me trouble dans ce disque, et qui m’avait déjà étonné sur le premier : On pourrait profiter de ce que cette musique a à offrir, goûter avec gourmandise ses idées, ses beautés, ses impertinences, puis passer notre chemin. Certains albums se livrent à nous puis vont se reposer dans l’oubli. Celui-ci, comme Caroussel, devient au contraire un de ces disques dont on ne souhaite pas s’éloigner. Parcequ’il est, comme le criquet de la bouteille, fun et beau.
Hey Oooooooooooooooooh ? Ah non, ça, ce sera la prochaine fois.
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