All sorts of jazz, free jazz and improv. Never for money, always for love.
Il aura fallu quelques années seulement pour que les frères Ceccaldi s’imposent à la pointe de l’archet comme des figures incontournables de la scène hexagonale. Qu’il s’agisse de Valentin Ceccaldi, violoncelliste de Marcel et Solange (entre autres groupes passionnants du Tricollectif), ou de Théo Ceccaldi, membre de l’ONJ Olivier Benoit et leader du présent trio, il est rare que leur nom ne fasse pas l’actualité. Après Carrousel, leur premier album, les deux frères et le guitariste Guillaume Aknine retrouvent Ayler Records et cette fois Joëlle Léandre, leur marraine, vient les rejoindre. Dès « Bonjoir », qui ouvre l’album sur un tourbillon patiemment construit où les cordes frottées entraînent l’électricité sous-jacente de la guitare, on comprend que cette invitation n’est pas affaire de politesse, mais d’évidence.
Le bouillonnement de Léandre n’est pas le fait d’une invitée venue éclairer ses hôtes, mais d’un membre à part entière d’un quartet indivisible, au langage uni et aux directions communes. Can You Smile? est un aveu plus qu’un titre - un plaisir communicatif autour de ces moments à dix-huit cordes. Les quelques années qui le séparent de Carrousel permettent de mesurer l’évolution du trio. On retrouve bien sûr un langage très influencé par la musique contemporaine, notamment dans le travail sur les timbres. Théo Ceccaldi a récemment travaillé avec Szilard Mezei ou le Quatuor IXI, collaborations qui ont régénéré son écriture. Mais lorsque sur « Beat Often » les archets se heurtent à un riff de guitare aux allures rock pendant que la contrebassiste se lance dans un Sprechgesang fougueux, il est davantage question de masses qui se heurtent que d’amalgame placide. L’approche a beau être plus abrupte, plus sauvage, elle est fragile comme un crin d’archet. Quant à l’humour, dévastateur, il n’est jamais bien loin - Beethoven non plus.
La musique apparaît moins écrite et plus collective, et le guitariste y joue un rôle prépondérant ; dans ce rééquilibrage suscité par la contrebasse, il endosse celui d’agitateur. Sur « Hirondelles », le morceau le plus mouvementé de l’album, Aknine apporte le chaos au cœur de l’axe des archets ; mais ce qui pourrait passer pour une destruction de toute forme de discussion est en fait le creuset d’une unité fulgurante dans les raffinements de la distorsion. Elle trouve juste après sur « Can You Smile? » son expression optimale, si foisonnante qu’il conviendra de s’y perdre plusieurs fois avec délices, pelotonné dans l’avalanche de cordes chevauchées.
En ajoutant aux instruments de Carrousel l’alto de Théo Ceccaldi et la guitare acoustique d’Aknine, le groupe aurait pu s’orienter vers un propos plus chambriste. Au contraire, il en naît un discours plus dur et plus nerveux. Le jeu plus âcre de Théo à l’alto est le contrepoint idéal à l’énergie tellurique que Joëlle Léandre libère dans « Sirènes et bas de laine » pour porter l’archet du violoncelle, devenu lyrique l’espace d’un instant. Les morceaux assez courts de l’album sont de petites miniatures profuses en couleurs et en paysages où chacun se retrouve, à un moment ou à un autre, au centre des débats. Qui ne sourit pas n’a pas d’oreilles.
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