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Nuts - Symphony for Old and New Dimensions

Julien Gros-Burdet, CitizenJazz

Qu’il est difficile de dire la musique, et notamment celle de ce Nuts... On entre dans Symphony For Old And New Dimensions comme dans une forêt inconnue : à pas feutrés, à l’écoute du moindre bruit, du moindre feulement, du moindre mouvement. Ou plutôt comme on pénètre dans une pièce sombre : les yeux s’accoutument peu à peu à l’obscurité, distinguent les détails les uns après les autres, en s’acclimatant à ce nouvel environnement. Alors on s’installe et on se laisse prendre, comme on s’installerait dans une clairière à la nuit tombante. Ce quintet peu commun fourmille d’idées, de pistes. Il est ici question de free, mais d’une free music qui fait la part belle à la mélodie. La musique groupe est organique - ça palpite, ça sue, ça vibre – mais aussi spirituelle : les idées prennent le temps d’émerger, d’évoluer, les musiciens approfondissent les pistes ouvertes, ne craignant pas le silence qui nourrit leur propos et offre l’espace nécessaire à la respiration de la musique.

Le titre de l’album nous ramène à de glorieux précédents : Don Cherry avec sa (Symphony For Improvisors et ses Old And New Dreams) ou Other Dimensions In Music. La musique de Nuts en est la digne héritière, mais sans redite, simplement avec une inspiration commune. Avec la liberté, l’ouverture d’esprit comme patrimoine. La filiation transparaît également dans les instruments multiples et variés utilisés notamment par Rasul Siddik et Itaru Oki qui, lors de ce concert, jouent, en plus de leurs trompettes et bugles, de la flûte, du tube et autres objets sonores, tout comme Don Cherry aimait à le faire, et comme le fait aujourd’hui ODIM. La diversité au service du propos...

Symphony For Old And New Dimensions a été enregistré live au Carré Bleu de Poitiers. Au long de ces deux longues pièces (« Movement : Paths » dure près de 25 mn et « Movement : Fields » près de 44) d’une beauté remarquable, le groupe évolue : il fonctionne soit comme un quintet, soit comme un trio mouvant (trompette, basse, batterie, ou bien basse et deux batteries) voire comme deux trios trompette, basse, batterie, avec comme point d’ancrage la contrebasse de Benjamin Duboc. On est frappé par la fluidité de cette musique, des formes variables qui la composent, par la circulation naturelle des idées. La complémentarité des batteries de Didier Lasserre et de Makoto Sato, la contrebasse puissante et ronde de l’initiateur du projet et le lyrisme des deux soufflants nourrissent la musique pour un grand moment de musique, un très grand disque qui, tel un grand cru, va se bonifier avec le temps.