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Nuts - Symphony for Old and New Dimensions

Fabrice Fuentes, Pinkushion

Les grands disques ont ce pouvoir délicieux de nous faire tendre l’oreille, quand les autres y passent au mieux en laissant des traces, au pire comme une lettre à La Poste. De ce point de vue, le second album du quintet Nuts de Benjamin Duboc (faisant suite au remarquable L’atelier Tampon-Ramier, September 2007, sorti l’année dernière) semble tout entier dévolu à stimuler l’oreille et ne plus la lâcher pendant soixante-dix minutes. À l’image des premières secondes marquées par un silence qui, étrangement, ne cesse de durer. Faux silence, en réalité, et vrais préliminaires, plutôt, où les instruments bruissent, frémissent, s’éveillent au monde, prennent leur temps et délimitent un lieu sonore à peine audible qui invite d’emblée l’auditeur à écouter attentivement et s’interroger, à se projeter là où la musique se fait, en son creux. Se rêve aussi. Symphony For Old And New Dimensions s’apparente en effet à une déambulation fantasmatique sans repère assignable, une plongée indéterminée au cœur du son. Comme la possibilité reconduite d’une vacance prolongée, de lignes de fuite au tracé sans limite, de formes sans contour. Telle une cascade de sonorités éparses avec, d’amont en aval, le ruisseau d’instruments sur lequel ils glissent et emportent l’imaginaire de tout un chacun. Dans cette traversée hic et nunc de l’ombre et de la lumière, du repos et du chaos, le passé (celui notamment conjugué à l’AACM) et le futur se répondent, ils constituent bel et bien deux dimensions congruentes qui s’interpénètrent, se fondent et se confondent, fuient toute notion de centre pour lui préférer celle de chemins de traverse. De la même manière, les paires de musiciens répartis sur les canaux droit (Itaru Oki à la trompette, aux flûtes, tubes et flugelhorn, Makoto Sato à la batterie) et gauche (Rasul Siddik à la trompette, flugelhorn, objets sonores, Didier Lasserre à la batterie) participent moins d’un jeu d’écho polarisé qu’elles ne tendent à solliciter un espace de pure circulation sonore où l’expressivité de chacun oriente à elle seule le mouvement fluctuant et sensoriel de l’ensemble. Il est des oreilles tendues qui se délecteront à raison de cette merveilleuse symphonie des sens.