Nuts - Symphony for Old and New Dimensions

Guy Sitruk, Jazz à Paris

On m'avait vanté le concert de Nuts à Poitiers, au Carré Bleu. Promis, juré, il serait publié. C'est à présent chose faite chez Ayler Records.
Chroniquer pour la 4e fois cette formation ? Hésitations.
Ecoute tout d'abord : le bébé est-il à la hauteur de la promesse ?
Deux pièces : Paths (24 mn) et Fields (43 mn).
Petits rappels :
- Nuts est une formation originale : 2 trompettes (Rasul Siddik, Itaru Oki), deux batteries (Didier Lasserre, Makoto Sato), une contrebasse (Benjamin Duboc, leader du groupe).
- Leur champ esthétique ? la musique improvisée.
Voire. Je n'en sais plus rien. J'ai parfois le sentiment qu'il s'agit d'une des formes les plus abouties du Free Jazz.

Et ce bébé ?
Pour chacune des deux pièces, un temps d'exploration, comme suspendu, assez long (près de 10 minutes) : discours spécifiques à chaque musicien, écoute, interactions, mise en place de paysages sonores, comme s'il fallait d'abord établir une reconnaissance des surprises possibles. Puis l'interaction se fait forte, la beauté se fait intense.
Cette phase démarre, par exemple dans Path, comme une sonnerie militaire, aigrelette, accompagnée de glissements à l'archet qui donnent une couleur sombre, un contrechant à la 2e trompette, des roulements de caisses, des cris étranglés, d'autres qui dérapent, puis les cordes pincées donnent le signal d'un chant plus serré...
Chacune des voix doit être entendue séparément, en même temps que l'ensemble. On ne peut plus rien faire d'autre qu'écouter, aussi intensément que possible. Cette musique exige une écoute aussi aiguisée qu'est exacerbée la sensibilité des musiciens de Nuts.

Ce CD m'a fait penser irrésistiblement (pourquoi ?) au célèbre double 4tet "Free Jazz". Une esthétique épanouie, affirmée simplement. Une formation qui atteint un climax. Il ne s'agit plus d'une expérience d'un jour mais d'un groupe qui s'installe, un peu comme Marteau Rouge (Pauvros, Foussat, Sato encore).

Une pièce maîtresse sur la scène française. Il lui faut aussi se faire entendre du reste du monde. C'est peut-être la raison de la notice en anglais. Et puis la ré-écoute, encore et encore, pour n'être plus un simple invité dans ces terres étranges et belles.