All sorts of jazz, free jazz and improv. Never for money, always for love.
La musique de Marc Ducret
est un jeu de piste. Une poupée gigogne faite de spasmes et d'urgence
qui enthousiasme ou rebute selon que l'on soit touché par son propos
radical et nerveux, ce qui est le cas par ici...
L'amateur averti le
sait sans doute déjà, puisque ce petit volume sans indications précises
fait l'actualité partout sur les sites de musiques improvisées et de
jazz, mais ce disque est lié à Nabokov. Sans indication ? On a pourtant
cette jambe de Lolita que gaine presque le plan d'un machine
industrielle hors-d'âge... Un mécanisme ? Une construction scrupuleuse
et déterminée d'une machinerie complexe ? Une synthèse "Nabokovienne" ?
Tower volume 1, la nouvelle sortie du Label Ayler Records
est une œuvre qui, comme son nom l'indique, va se dérouler en plusieurs
actes. Il y aura plusieurs formations autour du guitariste. Dans chaque
volume, l'orchestre tentera de mettre en musique un infime passage du
dernier livre-somme de Nabokov, Ada ou l'ardeur. Tâche ardue, sans
doute. Prétexte à poser une musique sœur à l’œuvre de l'écrivain ?
Ciselée et complexe autant que radicale, l'écriture de Nabokov sied
parfaitement à Ducret...
Le jeu de piste commence par une série de
question devant une musique qui s'impose sans livrer de réponses
immédiates, comme autant de paraboles...
On retrouve une citation de Nabokov sur le disque Le sens de la marche
qui emprunte une route semblable à ce Tower vol.1. Sur ce dernier, l'un
des trois morceaux "Interlude : L'ombra di Verdi" reprend le titre d'un album de 1998 enregistré avec son trio (Echampard, Chevillon) qui lui même contient un morceau qui est le titre d'un album solo du
guitariste "Un Certain Malaise"... Le tout avec une rigueur commune et
la même ligne directrice qui fait de Ducret ce musicien incontournable
et passionnant.
Tower Vol. 1 est un disque complexe et foisonnant,
enregistré en deux jours à Tours, avec un quintet franco-danois à la
puissance sépulcrale. Au côté du guitariste, qui semble toujours en
tension permanente au cœur de cette pâte orchestrale qu'il a fait sienne
depuis Le Sens de la Marche, on trouve les deux français de Journal intime,
le saxophoniste Fred Gastard et le tromboniste Matthias Mahler. Côté
danois, le pugnace trompettiste Kasper Tranberg rejoint le batteur
Peter Bruun, dont on retrouve ici cette finesse de frappe qu'il avait
déjà démontré dans le groupe Contrabande (voir le dernier tiers du morceau Real Thing #1, notamment...).
En
deux morceaux et un interlude, le quintet de Ducret délivre une musique
subtile qui passe d'un instant à l'autre du silence à peine griffé de
l'électricité d'une guitare à de soudains éclatements d'énergie
sous-jacente. On y verra peut être parfois des brisures zappaïenne, tant
la confrontation de la guitare avec les combinaisons de timbres des
soufflants peut paraitre évidente. Encore une fausse piste ? Pas
forcément, mais une influence commune fait des musiques écrites
occidentales, du jazz contemporain et du rock, le tout dissout dans une
incroyable énergie et des petites formes ornées d'aspérité soudaines ou
de virages avortés...
Si Ducret domine et dirige avec cette rage
métallique qui se répand jusque dans les silences, Tower doit beaucoup à
ses soufflants. Le travail de Gastard au saxophone basse est
remarquable, structurant dévastateur. Il trouve dans le jeu de son
comparse Mahler un magnifique relais plein de tensions, jusqu'à en
devenir parfois acrimonieuses. Quant à Tranberg, son timbre très
métallique est l'alter-égo de Ducret, un boutefeu remarquable, un
agitateur supplémentaire dans cette musique en mouvement.
Ada et
l'Ardeur était la synthèse complexe d'une carrière d'écrivain, de
fausses pistes en chausse-trappes. Et si Ducret lui aussi cherchait à
rassembler voi(es)x dans le sens de la marche ? Le second épisode nous
donnera peut être un peu plus de pistes.
Ou pas. Et ainsi n'en sera accueilli qu'avec plus de gourmandise...
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