All sorts of jazz, free jazz and improv. Never for money, always for love.
Voici donc le chaînon manquant, la pièce de puzzle sur laquelle tout s'imbrique...
Depuis près de deux ans, Marc Ducret sème les indices et les pièges dans un jeu de piste musical qui nous aura tenu en haleine jusque là. Tower, son œuvre tirée tout entière d'un chapitre du Ada et l'Ardeur de Nabokov avait débuté en quintet avec une formation qui ressemble assez à celle dont il est question aujourd'hui.
Œuvre littéraire fouillée, abyssale, le roman de Nabokov se prête à cette multipicité de point de vue, à cette duplicité de lecture et à ses constants aller-retour. Voilà 2 ans quasiment jour pour jour que nous parlions du Volume 1.
Deux années qui ont assis une quadrilogie majeure.
Dernier pied de nez, le guitariste a sorti il y a quelques mois sur le fidèle label Ayler Records un Volume 4 qui apportait des didascalies, des interprétations, des commentaires de l'œuvre inachevée... Il faut louer le travail d'orfèvre de l'ami Stéphane Berland sur le label pour permettre à Ducret de mener un tel projet sans entrave, avec une liberté qui semble s'accroître à mesure que paraît un nouveau volume. Celui qui nous est présenté ici en sextet est certainement le plus abouti, tant dans son architecture que dans son line-up étrange et brillant.
Fièvreux, pourrait-on dire.
Arrêtons nous un instant sur ce sextet où la guitare trace une ligne où l'on trouve d'un côté des claviers et de l'autre, trois trombones remarquable. Outre que la présence de Matthias Mahler que l'on trouvait déjà dans le Vol.1, on découvre dans ce Vol.4 le remarquable Fidel Fourneyron. Ce dernier, de Ping Machine au Surnatural Orchestra a su montrer qu'il est décidément de tous les beaux projets et qu'il est un tromboniste de grande formation qu'on s'arrache. Le petit dernier de la bande est le prometteur Alexis Persigan.
Sont-ce ses récentes collaborations avec Samuel Blaser ? Il semble en tout cas que le trombone est devenu un incontournable de l'univers ducrétien.
On ne saurait s'en plaindre !
Lorsque dans "Real Thing #1" qui ouvre l'album, à la suite d'une tonitruante triplette entre Ducret, les frappes sèches d'Antonin Rayon sur son piano et de Sylvain Lemêtre sur le xylophone, c'est la raucité de Malher qui semble sortir du Maelström pour jouer à l'unisson avec le guitariste et s'échapper dans un solo presque fragile ou saillent parfois des épines d'électricité, mais aussi la rythmique lancinante et cristalline du Célesta...
Le dessein est clair : d'un côté la percussion, de l'autre la microtonalité. Au milieu, un guitariste qui louvoie, qui joue plus dur et à la fois plus en retrait, qui aime à se laisser déborder par la coalition de coulisses. Un guitariste qui construit une musique qui plonge son regard dans celle des autres formations de Tower.
Si Tower Vol.4 était un commentaire de texte, une lecture, Tower Vol.3 est une synthèse. Pas uniquement parce que le disque reprend l'entièreté des « Real Thing » présent jusqu'alors pour les mettre bout à bout et en démontrer la continuité. Pas seulement parce que le disque se clôt sur le bouillonnant « Softly Her Tower Crumbled In The Sweet Silent Sun » dans une version caniculaire... Mais surtout parce que le sextet se positionne au centre des deux autres formations, coagulant la masse orchestrale du Premier volume et l'écorchure de l'instant de son suivant. C'est sans doute ça, qui se dessine, dans les coups de boutoir entre Lemêtre et Ducret, au pivot du morceau. Comme pour tester la profondeur du silence.
Mais de manière plus évidente, Tower Vol.3 est le disque d'un guitariste qui dirige. Car ce qui marque, à l'écoute d'un morceau comme « Real Thing #3 », dans le tonnerre de cuivre des trombones, c'est le côté très orchestral, très écrit de la musique de ce sextet. Le silence déchiré par les basses des trombones ouvre un morceau tendu, irrespirable, dont les prémices font songer à Ligeti par ce goût de la sécheresse, de la conflagration et de l'obstination.
Ce nouveau volume consacre une œuvre majeur dotée d'un sens de la narration étonnant. Il dévoile également une partie du mécanisme de Tower, sans montrer les pièces centrales du moteur. Lorsqu'on met les disques bout à bout les engrenages apparaissent, mais d'autres sont encore masqués. Secrètement, on espère de nouveaux volumes ; c'est numériquement possible, si on s'intéresse au chiffres et aux mouvements perpétuels. Des chimères qui nous font réécouter la présente série en boucle !
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