All sorts of jazz, free jazz and improv. Never for money, always for love.
Si Ayler Records est un label indispensable dont on doit d'enorgueuillir d'avoir en masse dans sa discothèque, c'est d'abord parce qu'il est un dealer de surprise.
Un intermédiaire du contrepied qui saurait que les passements de jambes servent avant tout à conserver la rectitude de la trajectoire de la balle. On avait laissé le label de l'ami Stéphane Berland dans un désert chaud et sec où soufflait le Chergui, le vent de sable porté par Alexandra Grimal et Giovanni Di Domenico.
On le retrouve avec Killing Spree dans un tout autre biotope, tout aussi bouillant. Ce n'est plus le souffle du désert qui nous cuit, c'est la lave qui cloque en plein coeur du volcan. Pour Killing Spree, Ayler retrouve un habitué, le saxophoniste Matthieu Metzger. On lui doit l'excellent Selfcooking qui reste l'une des pierre de rosette du jeune jazz européen qui aime mâtiner leur musique d'abstractions électronique et de timbres synthétiques, proche de l'univers d'Aphex Twin.
On savait le saxophoniste et ses machines grand amateur de métal, notamment avec Sylvain Daniel, son comparse de l'ONJ d'Yvinec. Avec Killing Spree, les deux musiciens se sont rapprochés du batteur dûment estampillé "métal" (cette précision est importante à tout entomologiste qui passerait accidentellement sur ces pages...) Grégoire Galichet pour livrer un disque court et dru qui joue avec tous les dispositifs de tension possibles pour frapper l'uppercut au plus court.
En témoigne le très court "The Brain Sucking Exercice" où un saxophone mutant, vacillant d'électronique frotte la guitare basse rauque et sèche comme de la limaille de fer de Daniel. Au centre, la batterie cogne, avec une rage qui n'empèche pas une certaine souplesse. Même sans être une grand connaisseur de métal, on reconnaît là les influences assez communes des musiciens de jazz qui se piquent de saturation étouffante : Meshuggah notamment.
De manière plus classique, surtout lorsqu'on connait le background musical du label Ayler Records, on pensera aussi à Zappa, le Zappa des années 80, sur "Our Endless Boring Loop" qui semble sortir des tréfonds de la basse, grasseyante à souhait. Le morceau est entêtant, démiurge à bien des aspects, mais le saxophone de Metzger lui donne une forme de pureté en l'époussetant peu à peu de ses scories jusqu'à le rendre aérien dans une recherche de groove avec la frappe leste de Galichet.
Ce n'est pas la première fois que le label Ayler tutoie le métal. On se souvient du Zed Trio, mais aussi dans le registre de la matière conductrice froide le duo entre Eyal Maoz et Asaf Sirkis. Mais c'est sans doute la première fois qu'il le fait de manière aussi frontale, directe, comme ce qu'on peut entendre dans la cascade mutante de "This Song Begins Like a Hit" où le trio giffle de concert un thème qui ne peut s'empêcher d'être dansant malgré sa densité.
On songe à l'écoute à un album en droite ligne de groupes français qui aime hybrider leur connaissance du jazz avec cette explosion de puissance : Cartel Carnage avec Sylvain Cathala, Hippie Diktat et le label BeCoq, Kouma... Mais surtout ce que le label montpellierain Rude Awakening a pu produire avec Les Yeux de la Tête (devenu depuis Mosca Violenta par peur que des balladins en chaussons fan de Tryo fassent des méprises multipes avec un groupe de chanson française pénible), certainement le groupe le plus proche de Killing Spree.
Ce qui est flagrant, c'est que le trio s'amuse. Ce massacre, il se joue au pistolet à bouchons avec le rire franc de gamins malicieux. Comme avec Selfcooking, Metzger bidouille avec génie ses talkbox et ses pédales pour construire un univers qui ressemble à sa musique.
Y compris celle qu'il fait avec Rhizottome et qui parait pourtant si différent : une musique libre, frondeuse, polymorphe. Un bon bol d'air, indubitablement. Même s'il pique un peu au fond de la gorge. La chaleur, sans doute.
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