All sorts of jazz, free jazz and improv. Never for money, always for love.
Musicien discret qui bénéficie pourtant d’une estime largement méritée pour son jeu nuancé sur les percussions et la batterie principalement, improvisateur patenté adepte de l’approche la plus libre de la musique, Didier Lasserre revient aujourd’hui au disque de manière étonnante avec une longue pièce strictement composée.
A partir d’un dispositif de six musiciens, il met en mouvement une idée du son qui est le résultat d’une longue maturation et l’aboutissement d’une conception personnelle de ce que doit être la musique. Conçue comme une suite d’interventions solistes (qui débute par la note tenue, et ténue, de la trompette de Jean-Luc Cappozzo suivi par un halo d’harmoniques de Christine Wodrascka), parfois duelles, légèrement chevauchées, à coup sûr minimales, ce programme nous invite à un cheminement à la dynamique propre où le son dans sa composante physique est délesté des apparats de la musicalité.
Le travail ajusté sur les timbres (notons les admirables qualités de la clarinette de Benjamin Bondonneau et du violoncelle de Gaël Mevel) trompe l’oreille à plusieurs reprises et croyant entendre l’entrée de tel instrument, on est surpris d’en découvrir plutôt un autre. Jusqu’à la voix, d’ailleurs, celle de Laurent Cerciat qui, là aussi, nous trouble et s’ajuste avec naturel à cette succession d’instruments. Dans une approche baroque, sans en être réellement, le chanteur pioche de manière parcellaire, telle une partition lue en palimpseste, dans un poème de John Milton (1608-1674).
Se tenant parfois au seuil du perceptible – ce qui oblige à garder vive l’attention à l’écoute –, ou se confrontant à des chorégraphies sporadiques sans violence mais concassées, la musique entretient un rapport à ce qui advient. Avec, non pas une certaine lenteur, mais une progression qui s’ébroue à son propre rythme, elle joue d’un rapport intime au temps : le temps suspendu, le temps en attente dans lequel il se passe quelque chose ou il ne se passe rien. De fait, elle se débarrasse surtout du souci trop contraignant de la forme et libère l’espace. Elle se confronte, avec des vertus proprement apaisantes, au silence dans ce qu’il a de plus palpable et qu’elle permet alors de révéler.
Au moment où le disque s’arrête, naît alors la sensation de se trouver dans un champ qui y participe encore. Le silence a pris corps, il est devenu matière. Par sa manière de mettre les sons en mouvement, c’est en se retirant que la composition a conduit à le dévoiler. La musique est la mère du silence.
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