Marc Ducret - ICI

Franck Bergerot, Jazz Magazine *CHOC*

 

Les confinements ont été un drame ou une opportunité, parfois les deux à la fois, notamment pour les musiciens privés de scènes mais incités à se retrouver avec eux-mêmes et à jouer la carte de la proximité. C’est ce qu’à fait Marc Ducret retiré dans cette Bretagne où il a élu domicile.

La musique de Marc Ducret a souvent pris racine dans des œuvres littéraires, des paysages, des visions. Là-bas – “ici” pour lui –, aux bords des eaux, tout fait récit : marées et saisons. Dans le livret, on le voit, au bord de la rivière de Morlaix ou du Penzé, lui et son ampli face à ses trois complices devant ses partitions telles qu’ils les déchiffrèrent entre juillet 2020 et juin 2021, avant de les enregistrer l’année suivante.
De l’été au printemps, les quatre saisons sont ici déclinées en quatre morceaux d’à peu près la même durée pour un total de quarante minutes. Quatre actes d’un même drame ou quatre nouvelles distinctes ? L’ouverture solennelle cuivrée digne du théâtre shakespearien sur ce drone menaçant de guitare électrique et l’apaisement final peut faire pencher pour la première hypothèse. Il est entouré de si grands “acteurs” qu’ils nous font oublier, tout comme lui même, qu’ils sont d’abord de formidables instrumentistes.
Jazz ? On sait qu’il réfute le terme, mais aussi qu’il n’existerait pas en dehors de cette case où se trouvent réunis les musiciens ayant cette liberté de langage, cette malléabilité rythmique et ce sens de l’initiative timbrale. Mais on sait encore à quelle diversité de sources il puise, et qu’il n’est pas rare que telle ou telle ligne nous fasse imaginer la couleur que lui donnerait une chanteuse lyrique ou un hautboïste classique. Tel est Marc Ducret et on ne s’en lasse pas.