All sorts of jazz, free jazz and improv. Never for money, always for love.
Lors des dernières soirées tricot à la Générale, Florian Satche présentait ce groupe en rappelant que son nom était une référence à un célèbre club de jazz situé à Milan… Plaisanterie qui en dit long sur l’ambigüité qu’entretiennent ces musiciens, ou du moins sur la double culture dont est imprégnée leur musique savante contemporaine chargée d’improvisation.
Bon, que les choses soient dites. Il faut aller voir La Scala en concert. C’est une vraie claque et un gros concentré de bonheur, de beauté. C’est à la fois raffiné et décoiffant, envoûtant et déstabilisant. C’est grave parfois, mais c’est drôle aussi.
Je découvre ce disque, pour lequel le label Ayler Records renouvelle sa confiance aux trublions du Tricollectif, après avoir goûté par deux fois à leurs prestations live. J’y retrouve le raffinement qui m’a tant enthousiasmé, ainsi que leur volonté d’aller loin dans leur démarche. Quand c’est beau c’est très beau, quand c’est écrit c’est bien écrit, quand c’est improvisé ça part loin, et quand ça tabasse ça tabasse sec. Et tout cela au cœur des morceaux, qui vivent, bougent, évoluent. Il suffit pour s’en convaincre d’appuyer sur play. Le premier morceau de l’album « Zapoï », la pièce la plus longue, met l’auditeur dans différents états. Logique en un sens, puisque le Zapoï est une pratique courante en Russie consistant à s’assommer par l’alcool après en avoir ingéré une grosse quantité en peu de temps. Le morceau, sorte d’équivalent contemporain au « Heroin » du Velvet Underground, est construit selon une succession d’étapes qui pourrait bien être basée sur ce mode d’accès à l’oubli. La flânerie désabusée du violoncelle qui l’entame, le spleen un peu tendu des lignes de violon qui s’y joignent évoquent le désarroi. Puis la musique coagule jusqu’à la mise en place d’un riff plusieurs fois répété, comme le geste de l’homme qui lève le coude, puis le fait encore. La tension s’accentue à mesure que le riff se transforme, se durcit sous l’attaque des archets, ou les vapeurs d’alcool. Quand, tout à coup, tout s’efface à l’exception du piano qui reprend à son compte ce riff, en le jouant avec douceur. Le buveur est sur un tapis de ouate, dans une réalité qui n’appartient qu’à lui. Condition recherchée, certes, mais non sans conséquences. L’alcool abrutit, abime, et la musique s’effiloche, se perd dans un torrent d’abstraction. Mise en musique, cette fuite d’un quotidien probablement trop dur devient une histoire poignante, et la musique a ce ton si difficile à trouver des bons livres qui traitent avec légèreté de sujets graves. On boit cul-sec ces onze minutes de musique comme des morts de soif, et tant mieux pour l’ivresse.
Et après, la casquette ? Non, une courte « Enjambée » et l’on repart de plus belle.
Tant mieux, il nous reste bien des choses à entendre. Des parties lyriques, des entremêlements de cordes, des rythmes chantants, des walking bass vagabondes, des accès de colère et de soudains gestes tendres. Le quartet (quatuor ?) peut dans tous ces registres mettre à son actif un jeu collectif puissant et serré, à l’origine d’une force de frappe qui porte les intentions individuelles de fort belle manière. Et nombreuses sont les situations qui mettent en exergue le jeu des uns et des autres. On citera, parmi les bribes survivant aux écoutes chahutées, un solo pris par Roberto Negro sur une rythmique martelée (« 2eme service »), qui le voit virevolter autour du tempo, avant que des phrases de violon ne viennent s’infiltrer en son propos pour pousser le quartet dans ses derniers retranchements free, jungle sonore épaissie par une sorte de faux-bourdon du violoncelle, et un jeu foisonnant de batterie, de courtes ponctuations venant juste donner à l’auditeur une petite seconde de répit. Il y a ce rythme étrange qu’entretiennent Adrien Chennebault et Valentin Ceccaldi sur « Coucou Hibou », et qui met en relief l’intensité qu’y amènent les deux autres. Il y a ces courtes parties jouées en duo, durant lesquelles, au sein d’un morceau articulé autour d’un motif obsédant (« Free Dots To Pax Part 1 »), Théo et Valentin Ceccaldi, puis un peu plus loin Roberto Negro et Adrien Chennebault conversent en toute liberté, comme pour offrir au magnifique thème du morceau d’inattendues possibilités de fuite. Il y a encore, et je terminerai là-dessus car l’album à plus à dire que moi, Les lignes mélodiques du piano et du violon qui oublient un temps la mise en place simple et sautillante , à moins qu’ils ne lui emboitent le pas facétieusement, de « Nous n’irons pas en Disco Club ce soir ». C’est bien dommage d’ailleurs. C’eut été l’occasion de boire un coup à la santé de ce disque un peu fou. Ah oui, pardon, peut-être avons-nous déjà trop bu. Alors, pour la forme, Salud !
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