Dans ce road movie qui, à sa façon, évoque l’Histoire de Melody Nelson, Poulet, comme à son habitude, propose des textes maîtrisés qui, par le choix des mots et le travail raffiné sur la rime, conservent la souplesse de la parole et l’efficacité de l’écriture. Convoquant de multiples références qui rappellent aussi bien le roman noir que le cinéma américain, il dessine, en seulement onze pistes, le portrait de ces deux personnages et donne vie à une relation naissante. Les situations (le bar, le karaoké, le casino, le garage, etc.) soigneusement scénographiées permettent à l’imaginaire de l’auditeur de les visualiser immédiatement.
C’est ensuite à la musique de Coronado de mettre en mouvement cette projection mentale. Usant sans abus d’effets de pédales, le guitariste déploie une gamme de jeu jamais répétitive qui donne le rythme du disque. Riffs rock dissonants, textures bleutées saturées, dégringolades du manche accompagnent les rêveries équivoques du narrateur. Par des phénomènes d’écho, de mise en profondeur, le guitariste se tient au plus près du chanteur et apporte une nervosité tour à tour fébrile et tonique qui complète le caractère d’une histoire hypnotique et désenchantée, définitivement attachante.