All sorts of jazz, free jazz and improv. Never for money, always for love.
Lorsqu'il y a quelques mois, à l'occasion de la chronique de The Voice That Are Gone
du violoncelliste Matt Turner, l'ancien patron du regretté label
Sketch nous informait dans les commentaires de l'enregistrement, dans
une session commune, d'un album de musique improvisée avec le
clarinettiste Jean-Marc Foltz et le pianiste Bill Carrothers, des
petits signaux indiquèrent qu'il ne faudrait en aucun cas louper cette
sortie, car elle était prometteuse de bien des plaisirs et des
découvertes. Autant le dire immédiatement, cela dépasse tout ce qui
pouvait être attendu, et c'est tout simplement un disque addictif dont
il est d'ors et déjà certain et incontournable qu'il sera dans les
tous meilleurs de l'année.
La musique de ces trois improvisateurs est très personnelle, pleine
d'Humanité et d'empathie, d'écoute et d'une puissance évocatrice qui
effectivement sied aux voyages fantasmagoriques vers l'astre nébuleux
et froid, attaché aux rêves et à la nuit. On connaissait la longue
collaboration, l'entente et la communauté de vue entre le violoncelliste
Matt Turner et le pianiste Bill Carrothers, leur volonté d'inscrire
leur musique dans la marche du temps et la vie des hommes. C'est le
cas de l'indispensable Armistice 1918, l'un de mes albums
favoris de la décennie 2000, qui évoquait, grâce à une musique sensible
et terriblement évocatrice, la ligne de front de la grande boucherie
de 1918, sans tomber dans le sensationnalisme ou la dénonciation un
peu bêtasse, mais en jouant la carte de l'humanité et du ressenti de
la guerre, la carte surtout de la vision subjective du militaire.
Depuis quelques années, dans cet orchestre de Carrothers, le plus
européen des pianistes américains, Foltz a remplacé Mark Henderson.
C'est là que ce projet de se retrouver à trois est né. Jouer une
musique chambriste et de l'instant forte et apaisé avec comme seul mot
d'ordre était de jouer "au delà de l'arc en ciel...". L'attelage a
atteint de tel sommet qu'il flotte sans doute actuellement dans une
élégante stratosphère en orbite lunaire !
Les clarinettes de Foltz, et notamment l'inexorable profondeur de sa
clarinette basse offre des vertiges ouatés et des ivresses de timbres au
travail de profondeur du violoncelle de Turner, qui semble se placer à
la pointe du triangle comme un liant nécessaire, comme une structure
aux propos des deux autres. Carrothers est égal à lui même, sensible
et à fleur de peau, discret et bannissant toute complexité affectée.
Que son piano soit préparé, comme dans le formidable "Knitting
Needles" qui est l'une des plus belles pièce de l'album, ou sec et
tendu comme dans "Black Butterflies", son jeu est toujours aussi juste,
aussi imagé et évoque, chose amusante, ici où là le travail sur
Bernard Herrmann de Stéphan Oliva...
En lisant les notes de pochettes écrites par Foltz, on découvre -mais
l'auditeur attentif l'aura entendu de suite- une musique qui virevolte
autour de l'œuvre de Schoenberg et notamment de l'opus 21, lieder
devenu célèbre écrit autour des poèmes "Pierrot Lunaire du poète belge
Albert Giraud. On ne peut cependant s'empêcher de penser; notamment
pour les parties jouées par Turner, à l'Opus 45, lui aussi si secret,
si contrasté, si plein d'abstraction d'archet...
To the Moon, quelles que soient ses influences reste un disque
d'une rare finesse et d'une grande poésie, qui dépasse dans sa
réalisation toutes formes existante d'étiquettes et de courants. On en
oublierait presque de dire que ce disque est sortie sous l'égide de
Stéphane Berland chez Ayler Records, qui après Lillenmund chez
Sans Bruit est entrai de se faire une spécialité de la réinterprétation
moderne et abstraite des lieder post-Romantique !
Il est sans doute trop tôt pour dire que To The Moon régénère
la musique de Chambre pour la confronter aux turpitudes contemporaine
d'un siècle débutant, tant la musique de ce trio plante ses racines
dans une musique né des images et des songes du siècle précédent. La
tentation chambriste est tout de même de plus en plus constante chez
bien des improvisateurs européens dans la recherche constante de la
profondeur. Ce qui est sur, c'est que To the Moon est un disque important, et surtout esthétiquement abouti.
En un mot, indispensable !
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