Lors des sessions en studio, le trompettiste subit un grave accident cardiaque et ne peut reprendre le travail qu’une fois la convalescence passée. Pleinement rétabli, il offre, malgré lui ou par-delà lui-même, un témoignage de cet étrange enchaînement d’événements. Entouré de son trio Ataraxia (dont c’est ici le deuxième enregistrement) qui réunit le joueur de tabla et de djembé Jagath Lakpriya et le bassiste électrique Fred Phelps, il invite également deux musiciens supplémentaires. Jess Garland est à la harpe et Derek Rogers est au Moog. Ce dernier participant à la direction artistique du disque dans lequel on plonge avec un plein abandon.
Les neuf plages qui le composent, en effet, baignent dans un entre-deux-mondes qui invite à s’absorber dans le son dans le prolongement des musiques carnatiques (et pas seulement du fait de la présence des tablas). L’absence d’un déroulé musical installe des atmosphères flottantes sur lesquels une trompette errante entonne, ou chantonne, c’est selon, de douces mélodies improvisées qui semblent lointaines.
Les effets de dilution du son (l’apport du Moog est notable) installent des cycles longs qui tournent en boucle. Des fines nappes, instables comme du liquide, coulent dans les déclivités rencontrées. Le groupe sait parfois être plus nerveux mais sans jamais franchir le seuil d’une conscience de soi, toujours en suspension. Nights enter, comme le trompettiste le dessine, cette fois-ci avec des notes, est une peinture intérieure, pleine de couleurs chaudes et opiacées qui ouvrent des voies cachées autant qu’inouïes.
