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Bengt Nordström - The Environmental Control Office

Alexandre Pierrepont, ImproJazz

Bengt " Frippe " Nordström était peut-être fou à lier, mais sa folie était de faire des liens avec l'évidence même. Lui qui s'adonnait à l'improvisation totale depuis 1962 et sa rencontre, ou sa révélation, avec Albert Ayler (qu'il fut le premier à enregistrer sur son propre label, Bird Notes, le 25 octobre de cette même année).

Lui qui dérivait avec constance. Ombrageux, lunatique et clairsemé, Frippe l'était sans doute (lire, à son sujet, les hommages poignants de Thomas Millroth et de Marc Chaloin dans le numéro 71 d'Improjazz, janvier 2001) ; simplement il se laissait aller à la musique. " Natural Music ", c'était d'ailleurs le titre de son disque seul au saxophone, le premier de l'histoire, en 1967, deux ans avant Anthony Braxton et " For Alto ". Mais il n'y a pas que des " premières " dans la carrière de Bengt " Frippe " Nordström : ce concert-ci est le dernier d'un quartette frissonnant qui tint bon une dizaine d'années, avant de faire la culbute.

Frippe faisait bon marché d'une carrière dans le " jazz ", ou dans l'épicerie, et on le lui a bien rendu. Pendant que certains s'humectaient les lèvres en pensant à la logique de leur prochain solo et argentaient leurs instruments, lui foulait cette terre et était tenaillé par une musique qui coulait de sources dissolvantes. Sa clarinette de travers et son saxophone moulu, jaune safran, fourrageaient dans sa mémoire et y délogeaient des airs que l'homme renâclait à poursuivre, puisqu'ils prenaient la poudre d'escampette. Ces pelures de mélodies étaient plutôt entortillées autour de ce qu'il est bienvenu d'appeler un folklore imaginaire, renvoyées à l'expéditeur avec quelques bordées de rythmes.

Quelle drôle de bâtisse construite par ces compositions spontanées : il y a le violon compendieux au blanc d'Espagne, qui frotte ses allumettes, il y a les pierres disjointes de la contrebasse et de la batterie godillant dans la terre argileuse. Il y a le panache alarmant du ténor et l'appel du large ou du vide, plutonien. Après tout, la conscience de soi, de la musique et du monde n'a pas à être consciencieuse. Bengt Frippe Nordtröm était le rémouleur de la conscience.