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Christophe Monniot - Jericho Sinfonia

Nicolas Dourlhès, CitizenJazz *ELU*

Œuvre d’envergure sur laquelle Christophe Monniot travaille depuis plusieurs années, Jericho Sinfonia s’étend sur plus de soixante-six minutes et embrasse des thématiques compositionnelles et textuelles qui s’interpénètrent en une unité puissante.

A partir du récit biblique de l’effondrement des murailles de Jéricho, la pièce déroule une succession d’interventions sonores principalement parlées. Assemblés par la sonographe Sylvie Gasteau qui signe le livret de cet opéra de poche, ces entretiens réalisés avec des scientifiques, des exégètes, voire tirés d’extraits de dialogues entre Marguerite Duras et un enfant (terrifiant “et après, il n’y a plus rien”) invitent à découvrir quelques définitions captivantes. Que ce soit le déplacement des ondes, le chant des dunes, la destruction ou non d’un mur par vibrations, elles procèdent de manière vivante à une mise en question entre des possibilités physiques et une croyance spirituelle et participent ainsi à l’enrichissement du romanesque de l’histoire.

Car cette mosaïque polysémique, si éclatée soit-elle, profite d’un montage subtil pour dérouler une narration implacable que complète l’interprétation personnelle du compositeur Monniot. La partition, en effet, n’est aucunement illustrative et déploie au contraire une stratégie, là encore, multiple. On assiste à une succession de mouvements d’une belle complexité, superbement valorisée par le Grand Orchestre du Tricot (du Tricollectif), et qui s’écoute d’un trait. Les échos, les modulations, les variations sont les différents aspects d’une musique spectaculaire qui ne manque jamais de panache et donne à entendre la colère, la peur, le tumulte mais également l’apaisement et l’espoir.

Jouant de l’orchestre comme d’une masse compacte qui accorde (comme il se doit) beaucoup de place aux tambours et trompettes, les cellules rythmiques complexes mais savamment huilées s’ouvrent sur des phrases serpenteuses au creux desquelles se logent de redoutables interventions solistes (Monniot bien sûr mais également Yoann Loustalot, Guillaume Aknine, Roberto Negro, …). Cet entrelacement entre la dimension textuelle et la dimension musicale aboutissant à une forme nouvelle, Jericho Sinfonia nous convainc que nous tenons là, tout à la fois, le premier péplum sonore scientifico-mystique et la certitude (une nouvelle fois confirmée) de l’originalité d’un authentique auteur.