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Boiron/Chevillon/Gastard - Là

Denis Desassis, Notes Vagabondes

 

On sait qu’on peut toujours compter sur Stéphane Berland pour nous réserver de belles surprises. Et pour celles ou ceux qui voudraient en savoir un peu plus sur le soin méticuleux qu’il porte depuis de longues années à son cher label Ayler Records, je recommande l’article écrit par Nicolas Dourlhès dans le magazine Citizen Jazz : c’est ICI ! De façon plus humble, il m’est déjà arrivé d’en parler aussi, c’est  !

C’est vrai qu’Ayler Recordsa croisé la route de quelques difficultés il y a peu – on croise les doigts pour que tout ceci dure, encore et encore – mais sa nouvelle référence (portant le matricule aylCD-166-167) sonne comme un manifeste d’exigence et de ferveur caractéristique de ce qui est la marque de fabrique de cette belle maison. Cette fois, il s’agit d’un double album enregistré par un trio acoustique dont le leader est un saxophoniste, formé à l’école classique comme à celle des musiques improvisées, Baptiste Boiron. De lui, je ne connaissais rien et cette virginité de ma part aura sans doute beaucoup contribué à la disponibilité dont j’étais sans le savoir armé au moment de découvrir ses conversations avec Bruno Chevillon (contrebasse) et Frédéric Gastard (sax basse).

Compositions originales aux titres souvent en forme d’anagrammes pour rendre hommage à quelques musiciens inspirateurs (je vous laisse trouver les solutions, ce serait dommage de spoiler), quelques reprises aussi (Duke Ellington, Keith Jarrett et John Coltrane), tel est le programme de . Un titre aussi court que la musique est belle, délicatement sinueuse et recueillie. Tout de suite, on est emporté dans un subtil tourbillon aux formes chambristes, incertaines et imprévisibles (quel bonheur de ne pas tout savoir à l’avance !), on goûte les interactions, l’obstination du saxophone basse (une performance), le lyrisme de la contrebasse qui sait être source de pulsation mais aussi suggérer dès que possible une mélodie, au besoin à l’archet : ainsi sur les magnifique reprises – parce que deux versions sont proposées – de « Lonnie’s Lament ». Porté par la tension / l’attention de ses partenaires, Baptiste Boiron laisse poindre une émotion constante, entre retenue, engagement et plaisir des joutes. Il y a chez lui une forme évidente de romantisme, sans les trémolos, mais avec un regard qui scrute les audaces et ne cesse de s’étonner de ce qu’il est possible de réaliser dans un microcosme aussi fécond. Il sait attendre son tour, joindre sa voix aux deux autres, relancer l'échange et piquer au vif la curiosité de ses partenaires. On comprend alors que la rigueur de l’écriture est aussi la plus belle des portes ouvertes sur l’imagination collective.

Et comme toujours, j’ai envie de souligner l’élégance de la robe : le beau livret cartonné dont l’esthétique doit beaucoup au talent de Stéphane Berland lui-même, rehaussée par la pertinence des notes, sous la plume avertie de celui dont je recommandais l’article en début de cet article.

En musique, être ou ne pas être, comme dirait ce bon William : n’est pas la question. Plutôt une réponse !