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All Too Human - Vernacular Avant-garde

Olivier Acosta, Mozaïc Jazz

Avec son groupe All Too Human, le batteur dannois Peter Bruun réussit une collision des univers qu’il développe à travers ses différents groupes. Sans faire une discographie détaillée du monsieur, rappelons, puisque ces ascendants ont sens à être cités ici, sa participation au trio de Samuel Blaser, au sein duquel il joue avec Marc Ducret, ses groupes de jazz contemporains comme Spring, WBZ et Buffalo Age (dont fait partie Kasper Trandberg), ou encore son groupe pop Eggs Laid By Tigers, dont l’identité sonore doit beaucoup aux synthétiseurs de Simon Toldam. Rappelons aussi que Marc Ducret avait fait appel aux bons services du batteur et du trompettiste pour le premier volume et le final en live de sa grande œuvre Tower.

De par les musiciens dont il est constitué, ce nouveau quartet est donc un assemblage, ou plutôt une réunion, de compagnons de routes avec lesquels les affinités musicales se sont renforcées, dans des directions différentes. La magie de Vernacular Avant-Garde est précisément d’être un disque à la croisée des chemins, qui combine la sophistication d’un jazz que le batteur aborde volontiers avec une certaine radicalité, notamment dans son rapport à la mélodie, et les couleurs chatoyantes d’une pop qui semble en outre n’appartenir qu’à lui. « Sunshine Superman » et son développement fortement basé sur l’interactivité montre que ces directions ne sont, loin de là, pas opposées.

Le quartet impose une signature sonore très personnelle ainsi qu’une grande originalité dans le « storytelling » des 6 compositions, avec de nombreux changements de climats et d’intensité, qui s’appuient toujours sur la capacité des membres du groupe à mener des parties de lead passionnantes comme de participer à une toile de fond où se conjuguent souvent les à-plats aux couleurs bigarrées et les mises en place rythmiques ciselées.

Ainsi on comprend dès les premières mesures de « Follow Me » que ce disque ne sera pas comme les autres. On y passe d’un groove puissant avec des orchestrations sophistiquées à un épisode onirique avec une guitare rêveuse, des percussions éparses et des claviers qui apparaissent comme la lumière de l’aube.

Chaque titre aura son propre schéma narratif. Schémas narratifs parfois linéaire, comme sur « Extended Mind » ou un rythme puissant vient se poser sur des riffs de claviers répétitif tandis que Marc Ducret emporte le titre, avec son beau phrasé, dans une sorte de far ouest où les territoires semblent infinis, ou comme la lente montée de « All Too Human », avec un thème alangui soudainement mis en perspective par la guitare et qui précède un beau solo aérien de Kasper Tranberg sur fond de nappes étranges jouées par Simon Toldam.

Certains schémas narratifs sont en revanche plus accidentés, à l’image du puissant « Vernacular Avant-Garde », nervuré de décharges collectives saturées et qui abrite en son sein une longue partie centrale suspendue, ou à l’image encore de « Is That So Sir Names ? », avec sa juxtaposition complexes d’éléments rythmiques qui s’emboitent par sorcellerie, jusqu’à un point ou tout se cale, pour mieux voler en éclats presque instantanément. Là se loge l’épisode le plus improvisé, où l’on voit que le groupe conserve sa singularité jusque dans l’effusion. Assez vite, le montage rythmique s’installe de nouveau, s’étiole, pour enfin s’installer définitivement, puis enfler le long d’un final épique, point d’orgue d’un disque puissant, inspiré et d’une grande originalité.