Eyal Maoz & Asaf Sirkis - Elementary Dialogues

Franpi Barriaux, CitizenJazz

Le dialogue est-il une constituante élémentaire du chaos ? C’est la question première, on pourrait même dire primale, qui émane de ce duo formé du guitariste Eyal Maoz, habitué des projets de Tzadik et notamment d’Edom ou du Crazy Slavic Band, et du batteur Asaf Sirkis, compagnon de route de Gilad Atzmon et fondateur d’Inner Noise ; tous deux sculptent de manière abrupte une tension grinçante, tellurique, qui oscille à tout moment entre jazz introverti et rock aride, entre frugalité du propos et acidités électriques pour une musique volontairement décharnée mais trapue. Une électricité invasive, dérangeante parfois dans ses invectives bruitistes, qui recherche néanmoins une sorte de mélodie rudimentaire via des riffs avortés et des rythmiques spontanées, tantôt parcimonie sèche, tantôt fureur instinctive. Ainsi le bien nommé « Duo » amorce une forme primitive de klezmer balbutié, vite emporté par un flot électrique. Idem pour « Reggae », où la rythmique réduite aux acquêts est démantibulée pour paraître rudimentaire, tandis que le jeu de guitare tout en distorsions raffinées malaxe le matériau brut pour tenter d’en extraire un semblant de fragment précieux, au milieu d’un déluge de rythmes sourds et de stridences résolues. Un diamant que les hésitations et les revirements inhérents à la création improvisée laisse parfois passer inaperçu, la faute sans doute à la tentation d’aller parfois trop loin, en préférant l’élémentaire au fondamental...

Elementary Dialogues est un disque très volontaire, un exutoire pour ces deux Israéliens qui, amis depuis l’enfance, forgent cette musique directe, âpre et rocailleuse grâce à une connaissance parfaite de l’univers de l’autre, et avec une direction commune que l’on pourrait qualifier de « Power Duo » où même la basse serait superfétatoire. Dans cette volonté de coller au plus prêt d’une musique émaciée, la polyrythmie complexe et puissante de Sirkis et les déluges de pédales d’effet de Maoz se suffisent. Un Maoz qui oscille entre envolées hendrixiennes(« OK ») et des passes cristallines et fragiles (« Esta ») pour un disque radical et assumé.